• M-Chapitre 12

    B-Chapitre 1

     CHAPITRE 12

     

    Ecrire :

    essayer méticuleusement de retenir quelque chose : 

    arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse,

    laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marques ou quelques signes.

    Georges Perec 


    roman-INFINIMENT-chapitre 1
     roman-INFINIMENT-chapitre 1


     

     

    Samedi 19 septembre 2015 : "Le faux pas tant redouté est fait : Pierre sait." Samedi soir  Samuel et moi regardions un film sur le canapé, j'étais couchée sur le canapé la tête au creux de son épaule et contre toute attente Pierre qui était sensé dormir s'est relevé. Je ne m'y attendais pas. Je me suis redressée rapidement. Trop rapidement. La porte de la chambre est face au canapé. J'imagine l'électro choc qui a dû faire exploser sa tête. Il allait simplement chercher son chargeur de téléphone. Il n'a rien dit. Il a été se recoucher. Mon coeur battait la chamade. Samuel m'a rassurée, me disant qu'il n'avait rien vu. Qu'on ne faisait rien de mal. Je l'ai cru au final. Mais mon sentiment de malaise ne s'est pas dissipé. J'ai ramené Samuel chez lui vers une heure du matin comme d'habitude et au retour je suis allée me coucher. La respiration de Pierre était régulière mais j'étais persuadée qu'il ne dormait pas. Mon coeur battait. J'étais mal. 
    Habituellement Pierre rentre du travail vers 16h30... Je me suis persuadée que tout va bien mais quand il ouvre la porte et que je vois son visage fermé je sais qu'il sait. Il laisse tomber son sac de travail tomber par terre dans le hall et se dirige dans la cuisine. Je me lève du canapé et le rejoins. Il se fait couler un café et s'assoit à table. Je m'assois vers lui. Il ne dit mot...
    - Ta journée   ? ça a été ? 
    - ...
    - Répond moi ! 
    - Tu sais très bien pourquoi je ne te parle pas"
     - Non ?
    - Tu étais couchée sur lui sur le canapé tu te fous de moi ? tu me prends pour un con ? tu as trois mois pour trouver du travail je m en vais en janvier. tout est dit...
    - C'est vraiment pas ce que tu crois j'étais fatiguée je m'étais assoupi... c'est tout...
    Pierre ne veut rien entendre entendre... il se lève et descend au sous sol.
    Il remonte pour le diner. On dine en silence. Les enfants sentent la tension, ne disent mot et se dépêchent de quitter la table. Le silence est total agrémenté de regards très noirs. "Rien à me dire, tout est dit"...


    Je suis mal. Que faire ? Il fallait que ça arrive... ça a mis le temps mais là... on y est... Pierre a la haine et Samuel est effondré... "bon sang pourquoi il s'est relevé ? c'est jamais arrivé ! et puis on faisait rien de mal ! ça va lui passer Sandy, t'en fais pas !" Alicia culpabilise. Elle passait la soirée au téléphone avec son petit ami. "si j'étais près de vous comme d'habitude je l'aurais entendu se relever et rien ne serait arrivé !" ...
    Le lundi Pierre a toujours autant de haine et le dialogue est impossible. J'ai compris suite à un appel téléphonique que le lendemain il passerait toute la journée à ensiler à la ferme. C'est à dire à aller chercher du maïs sur pied dans des communes éloignées en tracteur. Je retrouve donc Samuel chez lui l'après-midi. J'ai caché la voiture à quelques maisons de là. Je le retrouve ... le paradis... mais avec une peur démesurée au ventre.
    "J'ai si peur si tu savais. Il a une haine ! je vais faire quoi s'il part tu te rends compte ? et Nico je vais lui dire quoi ? et j'ai pas de travail..."
    "Il va se calmer Sandy, t'affoles pas !" 
    Samuel me serre fort contre lui. Il caresse mes cheveux, me réconforte... On fait l'amour désespérément.... intensément... comme si on craignait que  ce soit la dernière fois... on s'accroche l'un à l'autre comme si on devait se quitter à tout jamais... c'est alors que mon téléphone sonne... "Pierre" s'affiche... Deux jours qu'il ne me parle pas et là il appelle. Je ne décroche pas. La peur au ventre. Que veut-il ? Un appel... deux appels qui se suivent... un message vocal... Mon coeur bat tellement fort dans ma poitrine que j'ai l'impression qu'on l'entend dans toute la pièce. Je me décide à écouter le message.
    - T'es avec ta saloperie ? ben restes-y ! Ce soir tu peux faire tes valises ! à bon entendeur salut !" Mon coeur s'arrête.
    Immédiatement je suis debout. Je me rhabille. Samuel me raccompagne à ma voiture. Je suis tétanisée. J'ai peur de voir Pierre surgir de n'importe où. 
    Je rentre la peur au ventre. Affolée. Je dis tout aux enfants. Lucas se ferme comme une huître. Plus un mot. Ma fille me soutient.
    Pierre doit rentrer tard. Je le rapelle. Il est fou de colère. Il hurle dans le téléphone. Je lui dis que je ne partirai pas.
    Je mange en silence avec les enfants. Je me couche avec ma fille. On attend le retour de Pierre en silence, tétanisées, serrées l'une contre l'autre. On l'imagine entrer dans la chambre en me criant de partir, ou complètement ivre et violent... on finit par somnoler... et la porte du garage qui se referme nous réveille. On écoute les bruits, nos coeurs battant... Mais rien ne se passe. Pierre va se coucher. On finit donc par s'endormir très tard dans la nuit.
     
    Maman me couvre et dit à Pierre que j'étais avec elle toute l'après-midi. Pierre finit par le croire. Nos relations ne s'améliorent pas. On cohabite sans se parler. La tension est palpable et je respire quand il quitte la maison. Le week end arrive. Premier week end sans Samuel depuis deux ans... J'ai le coeur à vif... Pierre travaille et on se retrouve sur le parking d'un supermarché. Trente minutes. Trente minutes sur un parking à se serrer, s'embrasser, se retrouver... enfin... sous le poids de la culpabilité avec la peur d'être vus, la peur que Pierre débarque quand on ne s'y attend pas. La peur au ventre. Le temps passe à une vitesse incroyable il faut déjà se laisser... c'est déchirant...
     
    Pierre m'a écrit un mot lui qui n'écrit jamais. Je trouve une feuille pliée en quatre sur mon oreiller "ce que je ressens je ne peux pas le dire. Mais pour moi, il ne faut pas jouer à faire semblant car je ne le supporterais pas. Je t'aime, plus que tu ne le penses. Alors je te propose un arrangement. On vit en famille, on se parle, on se dit bonjour, mais ceci s'arrête là. Jusqu'à ce que les enfants puissent voler de leurs propres ailes. Et après... si l'étau qui étouffe mon coeur se désserre... là peut être on repartira sur le même chemin. A ma rose que j'ai perdue."
    Ma fille explose. "Ca ne te touche pas ? papa t'aime. J'en reviens pas qu'il a écrit ça." Je lui réponds méchamment en criant "mais vingt ans de silence, vingt ans de solitude, tu oublies ça !" et je culpabilise.
    Et Samuel appelle juste au même moment... C'est bon de l'entendre. Je me sens si seule, perdue. Mais on se prend la tête, on se déchire. On rigole aussi. Le chagrin, la souffrance, c'est terrible... On se laisse... on se garde, je ne peux pas dire à Samuel "on arrête" j'ai pas la force même si la raison l'impose. Imaginer ma vie sans lui c'est me jeter dans un trou noir sans fond. Je l'aime tellement. Mais le garder c'est briser sa vie, vivre la peur au ventre, souffrir de ne jamais assez se voir, de ne pas se toucher... souffrir... encore et encore souffrir...  nous deux c'est l'osmose... mais il faut se séparer... au fond de moi je sais que c'est la meilleure solution... et on parle, on parle au téléphone... et je ris avec lui, de nos blagues à deux sous, on rigole de notre malheur, de toute cette merde qui nous tombe dessus, et ça me fait du bien, c'est tellement con ! de se titiller et de jurer comme des poivrots, de se crucifier, de se dire qu'on s'aime... je veux pas qu'il raccroche, je veux sa voix, son rire, je le veux éternellement, au bout du fil. J'ai peur de ne plus l'entendre... Mon dieu les larmes remontent à la seule pensée de le perdre. Mon dieu que faire ?
    Je me dis.. on devrait faire une pause... je pense à lui il pense à moi..; on s'écrit, on se donne des nouvelles, il vit sa vie, il voit d'autres filles, mais on ne se voit plus. Il teste son amour, il voit si son amour pour moi est le plus fort... si nos trente ans d'écart ne le gênent toujours pas... il décroche son diplôme, il trouve un boulot et si vraiment, il m'aime toujours aussi fort... alors... on tente l'aventure"..j aurais du  proposer ce marché à Samuel.. mais je ne l'ai pas fait...
     
    C'est quand on a tout perdu qu'on se rend compte de ce qu on avait, du bonheur qu on avait à pouvoir se voir, à pouvoir aller se ballader ensemble, faire du vélo, se baigner, regarder la tv l'un contre l autre, tes bras autour de moi... mon dieu comment avons nous pu imaginer qu IL ne voyait rien qu IL n 'était pas jaloux...  il a fallu ce faux pas, qu il ouvre cette porte et qu il nous voit l'un contre l autre... pour que tout  s'effondre, pour que tout soit balayé... un tsunami a détruit tout ça à jamais... rien ne sera plus comme avant et ça broie mes entrailles de ne pas avoir Sam là près de moi....de ne pas sentir ses bras autour de mes épaules, de ne pas respirer son odeur... de ne pas sentir ses lèvres sur mes lèvres comme c 'est dur... comme il me manque....
    Le chagrin revient par vagues... souvent il nous submerge Samuel et moi. Les crises de larmes se succèdent, on est mal, on est à cran. On se texte toute la soirée car Pierre travaille Samuel passe cette soirée à me lancer des piques. Alors pourquoi s'écrire, se téléphoner, c'est dur d'être séparés, de se sentir constamment en danger, en équilibre sur un fil... la peur n'évite pas le danger... on a joué ... on a perdu... si on avait joué à la roulette russe on aurait pris la balle en pleine tête, faut-il continuer de jouer ???
     
    La vie à la maison est tuante. Je suis en permanence mal à l'aise, stressée comme si le ciel menaçait à chaque instant de me retomber sur la tête. J'ai passé une nuit épouvantable, rythmée par des réveils incessants.  Je suis vaseuse, le moral ne décolle plus de zéro. J'emmène les enfants au lycée. Pierre était encore couché à mon départ, il n'est plus là à mon retour. Il y a une lettre sur la table. Je la regarde et je me dis "qu'est ce qu'il y a encore ?" c'est d'une main tremblante que je la déplie... 
    "J ai aimé une rose j ai cru pouvoir la faire s épanouir? la faire s'ouvrir mais au contraire elle s est refermée et a sorti ses épines...
    Mais une autre personne  a réussi à l ouvrir et à la faire s'épanouir... c est pour ca je laisse la jolie rose que j ai aimé très fort... s épanouir... moi qui n ai plus rien a donner... moi qui ai le coeur vide...
    Mais il y a une chose que l on ne me prendra jamais... quoi que l on dise ou pense... c est l amour pour mes enfants je ferai n importe quoi pour eux...
    Sur ces quelques mots mon coeur se referme et saigne a tout jamais de sa plaie... à ma rose que j ai aimé..."
    Je suis bouleversée. Pierre souffre et ça me fait mal. Je ne voulais pas en arriver là. Lui le roc, froid, distant... qui vit sa vie... il a voulu que je m'épanouisse ? mais qu'a-t-il fait pour cela ? Matériellement oui... Il m'a offert une jolie maison, une piscine... du matériel... Mais sentimentalement... j'ai eu droit à quoi ? le vide total... le silence... la solitude...
    Je le cherche. Il est au garage. Au lieu de lui dire tout ça, je lui demande de pardonner, "pour les enfants donne moi une chance" des dizaines de fois il répond "non... mais tu te rends compte de ce que tu m'as fait ? je n'aurai plus jamais confiance, tu m'as trahi. Et puis je ne sais pas pourquoi, il dit "oui... on essaie" ...
    Quatre jours passent... l'ambiance est calme mais j'ai du mal à déstresser... une nouvelle lettre me prend au dépourvu...
    "Je t'écris une nouvelle fois et peut être la dernière mais comme je l ai écrit la fois d avant il ne faut pas faire semblant ou se forcer. C'est pour ça que je te dit que l on va vivre ensemble pour les enfants jusqu'à ce qu'ils volent de leurs propres ailes, mais je pense que notre chemin commun se séparera ensuite car malgré tous les textos écrits avec des jtm et des petits coeurs qui m ont fait espérer ce n'était que des illusions.
    Je m 'aperçois que ton amour pour moi est parti, il est apparu pour un autre. Pour lui la rose s'épanouit pour moi elle s est fanée. il ne me reste plus que les épines qui étouffent et emprisonnent mon coeur comme un étau.
    C'est pour ça que l on va vivre ensemble nos vies tout en restant bons amis comme des colocataires.
    Chacun fera ce qu il veut,  verra qui il veut (en dehors de la maison) ceci sera mieux pour moi je pense car comme tu me le dis au telephone "y a des coeurs qui vivent "avec" moi je ne le peux pas. J'ai peur que l'amour qui me reste pour toi se transforme en mépris.
    Voilà je te donne cette dernière rose pour te dire une dernière fois que je t 'aime et t'aimerai toujours ces mots que je n écrirai plus et dirai plus pour toi mon amour perdu à jamais.
    ps  : Tu as raison il vaut mieux que moi il est malade et pas bien dans sa peau lui." 

    Je me retrouve seule  comme je pense ne jamais avoir été seule dans ma vie. Comme on dit "face à moi même"... à la réalité...  Le silence... L inquiétude... le chagrin... la culpabilité...  Je repense à tout ce qui vient de se passer... je n'arrête pas de ruminer... Je me sens si mal dans ma peau. Pierre souffre. Samuel souffre. Je souffre. Si j'écoute mon coeur j'aimerais être avec Samuel, boucler une petite valise, partir avec lui. Choisir la folie, le bonheur, l'amour fou... Si j'écoute la raison, je dois rester avec Pierre pour les enfants, pour la sécurité...  je les fais souffrir tous les deux.  J'ai de l'affection pour Pierre et un amour de dingue pour Samuel... mais cet amour n'a pas de fondations solides..; il ne repose sur rien... que sur un coup de foudre... Il a trente et un ans de moins que moi, pas de travail, pas d'appartement, il est au lycée... je vais faire quoi avec mes deux enfants... sans travail moi non plus... sans argent... je l'aime à la folie oui... ça c'est en moi... mais je ne suis hélas pas une adolescente libre et sans responsabilité... hélas... il ne comprends pas...
    "Il est 18h14...  tu as lu mes messages sur facebook... Rien...  pas de réponse je me sens seul,  je survis heure par heure.  Je conduis pour oublier et le soir je dors pour ne pas penser ... il est 18h16.  Je regarde l'heure pour la deuxième  fois, je me rend compte de la situation. Je culpabilise.  Comme dit ta fille c'est entièrement de ma faute, je ne suis qu'un pauvre con égoiste,   ... A trop te vouloir je t'ai perdu... J'était tellement obsédé par l'envie d'un jour t'avoir rien qu'à moi que j'ai tout perdu...
    C'est triste à dire mais ce n'est pas moi que tu aimais... Une femme qui aime revient toujours, la culpabilité t'aide à prendre les distances favorables pour que tu te sentes en sécurité... la culpabilité te fait oublier la personne que j'étais pour toi, l'amour que j'avais pour toi... Tu te souviens tous ces bons moments ?    pour toi tout ca c'est du passé.. Tu veut récupérer ton mari et m'oublier, faire comme si je n'avais pas existé...
    C'est dur de se dire qu'on s'est autant aimés et que tu m as oublié aussi vite. Tu ne pleures même plus pour moi... Si je venais à  disparaître entièrement de ta vie tu ne verrais même pas la différence... Il est 18h24... je regarde l'heure une troisième fois, je suis mort, vide... Je culpabilise tellement ... Tu me HAIS et ça c'est dur ... Tu aimerais couper les ponts...     le chagrin de ton mari te crucifie... Je le sais mais pense au mal que toi tu as eu,  il change en ce moment, tu te rends compte que c'est une personne extraordinaire... Mais si tu m'as aimé c'est que ça n'a pas toujours été le cas... Lucas et Alicia ne te laisseront pas, tu es mon étoile et pour l'instant je suis encore à toi...  .. Bonne soirée je t'aime."
    "Je pleure en lisant ton message. Tu comprends pas. Tu comprends pas que je suis déchirée entre toi et lui ... que si je pouvais je te suivrais... mais je ne peux pas. mon dieu je t'aime, je t'aime à en crever. Pierre n'est pas extraordinaire ni merveilleux c'est juste le père de mes enfants et il souffre, comme toi, comme moi... tout s'effondre pour lui comme pour nous. Et oui, je sais que si j'en suis là, si toi et moi on existe, c'est parce que j'étais malheureuse. Mal dans ma vie. Je suis consciente de tout contrairement à ce que tu penses. Je suis torturée, écorchée vive par la souffrance. Comme si on m'arrachait des lambeaux de peau un à un... j'ai envie de crier, de hurler pour que ça s'arrête... ça fait trop mal de choisir... trop mal de te perdre. Non je ne veux pas te perdre. Je sais que tu souffres... je sais... mais moi aussi Samuel..."

     

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