• M-Chapitre 13

    Chapitre 13

    Chapitre 13

    L'espoir d'un lendemain
     


    Les souvenirs sont plus fidèles que les amis et les amants :
    ils reviennent nous voir lorsque notre âme grelotte toute seule

    Ferenc Mora






    Voilà Sébastien, j'arrive à l'épilogue.


    Je ne sais pas trop quelle fin donner à notre histoire. Ce manuscrit représente pas mal de nuits blanches. En revivant ces six derniers mois je me suis rendu compte de beaucoup de choses. D'abord que les années ne m'avaient pas aidée à mûrir. Je suis toujours une fille unique gâtée. Je ne pense qu'à moi c'est certain.J'ai trouvé que tes réponses à mes attaques étaient pertinentes.

    1986 c'est bien loin... Les années ont passé et avec elles la jeunesse s'est envolée. Je t'avais perdu. J'ai cherché à t'oublier dans d'autres bras, sans grand succès et puis cinq ans plus tard Pierre a fait son apparition dans ma vie. J'ai appris à le connaître et je l'ai épousé en connaissance de cause, consciente de ses qualités et de ses défauts. Je l'aimais... mais le verbe « aimer » a plusieurs degrés d'intensité... et cette intensité n'avait rien à voir avec celle qui existait entre toi et moi. Mais quand on se marie, le côté « merveilleux » du mariage chasse les doutes. C'est comme si un pouvoir mystérieux occultait la face amère. On ne voit plus que le « beau côté » des choses... la grande robe blanche à laquelle on rêve depuis toute petite fille, les invitations, les préparatifs, le voyage de noces... on y croit... on VEUT y croire...et le grand jour arrive, tout doit être parfait. On a pourtant une petite douleur insidieuse dans le cœur à un moment ou à un autre en pensant au passé, en se disant que cette fois, on ne peut plus reculer... et on fonce tête baissée. On se retrouve devant un prêtre le cœur battant, et on prononce le « oui je le veux » solennel qui nous unit pour la vie, pour le meilleur ou pour le pire... pour le pire ou le meilleur... en quelques minutes tout est écrit...

    Et le temps fait son œuvre. Le « grand jour » n'est bientôt plus qu'un souvenir. Les photos qu'on a tant compulsé, la vidéo qu'on connaît par cœur, tout est bien rangé au fond d'une armoire. On se tourne vers de nouveaux horizons, on se fixe d'autres objectifs... Comme tu me l'as si bien écrit, les billets d'avion qui faisaient rêver restent dans le domaine du rêve car on ne décolle jamais. Il faut au contraire épargner pour la maison, pour les meubles, pour le confort de tous les jours, pour les enfants à venir.... La vie « romantique » à laquelle on rêvait, les petits dîners aux chandelles, les sorties, les vacances, plus rien n'est d'actualité.... La vie se résume aux taches ménagères, métro boulot dodo... et on s'habitue à cette réalité quotidienne, on finit par s'en contenter. Elle paraît « normale ». On ne se plaint pas. On part travailler, on prépare les repas, on fait le ménage, on passe ses loisirs à jardiner, aménager, bricoler... et regarder la télé. Un ménage heureux, sans problème, et même : un couple modèle !

    Et puis le premier enfant s'annonce. Une étincelle de vie qui se développe en moi, qui grandit petit à petit dans mon ventre. Je lui parle à ce futur bébé, je lui lis des histoires, je lui fais écouter de la musique, je lui promets monts et merveilles... je veux le meilleur pour ce petit homme, de meilleurs parents que les miens, la possibilité de faire ses choix... mais tout cela, je le fais seule. Aucune autre main ne se pose sur mon ventre, ne lui chuchote des mots doux... pas de présence paternelle... Et bébé vient au monde... la vie est bouleversée.... Il faut prendre de nouvelles habitudes... et puis c'est une deuxième grossesse qui commence car c'est trop triste d'être enfant unique, j'en sais quelque chose. Une petite fille ! que je suis heureuse ! et le temps passe... encore... deuxième naissance.


    La vie se complique encore un peu plus. Il n'y a plus assez d'heures dans la journée malgré le congé parental, pour réussir à boucler les corvées. Biberons, couches, bains, lavage, repassage, ménage, premiers pas... premières bêtises... et les nuits agitées de bébé qui pleure jusqu'à une heure du matin... on ne s'appartient plus. On vit par et pour les enfants. La vie de couple est en déficit perpétuel. Mais encore une fois, on s'adapte, on s'habitue, on assume sans même se poser de question, parce que de toutes façons on n'a pas le choix.

    La jeune fille romantique n'est plus qu'un lointain souvenir. Les rêves se sont volatilisés face à la dure réalité de la vie. Il faut «s'épanouir » dans de nouveaux rôles : maman, épouse modèle, ménagère, gouvernante... et les années passent, les enfants grandissent, la maison est un nid douillet, on n'en sort plus ou très peu. La jeunesse s'enfuit. Les espoirs d'autrefois sont bien rangés au fond d'un tiroir secret de la mémoire...

    Il y a bien sûr des « hauts » et des « bas ». On se dit certains jours « j'ai une belle vie », un mari qui m'aime, deux enfants adorables, une belle maison. Ce sont les jours avec des « hauts ». Et puis il y a les « bas »... une parole qui a blessé et qui fait sortir de ses gongs par exemple, le passé resurgit alors, les regrets, les remords, un passé aux manques cruels... les « j'aurais dû », les « si j'avais su » et la dépression guette. Cet homme qu'on a épousé pour s caser, qu'on a cru pouvoir changer.;; Il ne s'est pas bonifié... non... Un jour, deux jours, une semaine à pleurer et on prend le dessus. Il faut bien, on n'a pas le choix.

    Quand je relis tes premiers mails je suffoque devant tant de sentiments, d'amour, de tendresse. Je ne peux plus respirer tellement tout ça me consume. C'est trop fort, ça me fait même peur car je ne suis plus habituée à tant de sentiments. Et puis la dure réalité nous brise à nouveau entre règlements de compte et déchirements.

    Je te le dis encore une fois, c'est bien par hasard que je suis tombé sur le site de ton travail. Ma meilleure amie pourrait d'ailleurs te le confirmer puisqu'elle était là. Je ne t'ai pas cherché pour te ramener près de moi. Je t'ai écrit parce que je voulais des nouvelles et sans trop penser à ce qui pourrait bien en découler. Certains jours, je me dis que j'ai bien fait et d'autres jours, je me dis que j'aurais peut-être dû nous éviter tous ces déchirements.

    Il y a tout de même du positif. Nous avons vidé pas mal d'abcès qui nous rongeaient toi et moi. Le fait de savoir que pendant toutes ces années, nous n'avons cessé de penser l'un à l'autre nous a réconforté. Nos sentiments à l'époque étaient bien réels. Quand tout a volé définitivement en éclats et que j'ai réalisé qu'il n'y avait plus aucune chance pour que tu me reviennes, j'étais à l'agonie Sébastien.

    La folie s'est emparée de nous tout au long de ces mails. Tout quitter et tout recommencer ? briser nos conjoints ou bien nous conforter dans nos vies fades et plates ? J'étais prête sincèrement à te donner cet enfant que tu n'as pas eu. Partir ou rester ? Quel dilemme ! Je pense que nous avons été à deux doigts de tout faire péter. Mais , nous n'avons pas eu le petit brin de folie qui fait qu'on ne pense plus aux autres, que seul notre bonheur compte... nous avons préféré épargner nos proches... Je pense qu'elle est là « l'illusion », ce fut une grande et belle illusion de seulement imaginer la possibilité de continuer et terminer notre vie ensemble.

    Et puis il y a eu ce mail envoyé par accident à ton adresse perso. J'ai bien cru que cette fois tu ne me pardonnerais pas cette étourderie. Tu aurais été dans ton droit. Mais je ne l'ai pas fait exprès. Je t'ai raconté ma journée et j'ai cliqué sur la mauvaise adresse sans m'en rendre compte. Je suis tombée de haut le lendemain matin en découvrant ce qui aurait pu être un drame si Lyne n'était pas aussi compréhensive. J'ai pensé que cette fois, la limite à ne pas dépasser était franchie.

    J'ai voulu croire que tu m'aimais assez pour pardonner... Et puis tu m'as répondu. Mais la froideur de tes rares messages ont balayé mes espoirs. Plus de ma puce, plus de je t'aime. Tu n'appelais plus. Je me retrouvais brutalement comme un plongeur sans bouteille qui étouffe, privé d'oxygène. Je ne pouvais croire que c'était fini. Je t'ai appelé deux fois car je crevais à petit feu devant ton silence. Mais tu semblais si loin de moi, de nous... Comment pouvais tu passer du feu de la passion à l'indifférence la plus totale ? J'ai touché le fond de mon côté mais tu n'en savais rien. Envie de rien, dormir pour oublier... la maison devenue prison, la solitude une amie, fuir Pierre, fuir les amis... les enfants mis de côté la déprime totale et aucun soutien de ta part... Si tu voulais me faire payer, tu réussissais... Il y avait le Seb d'avant et le Seb d'aujourd'hui... j'étais perdue...

    En ce qui concerne maman... Elle et moi il y a vingt ans on s'est mutuellement menées la vie dûre. L'adolescence est une période de la vie où parents et enfants sont en conflits permanents alors notre histoire a multiplié par dix, voir par cent, les altercations. A l'époque je n'ai pas compris les réelles motivations de ma mère. C'est vrai que nous avions neuf ans d'écart, tu avais un passé, mais ton attitude face aux événements et ta patience prouvaient ta sincérité. J'étais déchirée entre mon amour pour ma mère qui m'avait toujours tout donné et mon amour pour toi...

    Aujourd'hui avec le recul, je lui trouve des circonstances atténuantes car je m'imagine, moi , en tant que mère, dans une situation similaire. On agit toujours pour le bien de ses enfants (si on est un parent normal !), on ne souhaite que le bonheur de sa progéniture. On agit en notre âme et conscience, mais même avec les meilleurs intentions du monde, il peut arriver qu'on se trompe. Maman a reconnu ses erreurs, vingt ans après et ça, ça n'a pas de prix à mes yeux. Et qui ne commet pas d'erreur ? C'est vrai que ça n'arrange rien, que ce qui est fait, est fait, que pour nous deux les dés sont jetés. Mais tu as pardonné, j'ai pardonné, méchanceté, rancœur n'y changeront rien... et qu'a-t-on de plus cher après ses enfants ? ses parents ?...

    1er septembre « Hello ! Le soleil brille mais l'automne arrive. J'ai presque froid. Les feuilles des cerisiers commencent à tomber, c'est mauvais signe. Je m'enfonce dans la forêt. J'aperçois les premiers champignons. Le chemin s'étire au loin, tout droit, apparemment pas de danger à l'horizon. Je lance Lancelot au trop. Il n'aime pas cette allure et je sens tout de suite la petite secousse qui m'annonce qu'il passe au galop. Il s'élance sur le sentier, sans hésiter. Après une journée au box, j'ai l'impression que l'on va s'envoler tellement il a la pêche. Ce vieux cheval a vingt ans mais c'est un cheval en or. Il n'a peur de rien, il est en super forme. Quelques minutes et on continue au pas. Je pense à toi. Je me dis qu'en six mois on a fait beaucoup de chemin. Je me remémore nos premiers messages, l'émotion, la joie de se retrouver, la passion qui renait, nos deux rendez-vous, nos baisers, nos caresses, nos promesses, nos fantasmes, nos rêves... notre folie... nos différents aussi... Six mois se sont écoulés... le temps d'un été en somme...

    Le soleil se couche. Il devient rouge à l'horizon. Je suis arrivée au-dessus de la colline et j'ai vue sur la vallée. La boule de feu va se coucher là-bas au loin derrière les montagnes. Le ciel rougit, le soleil va s'éteindre tout doucement... Je reste là, immobile et je me dis que comme lui... nous nous éteignons lentement. Tu es fatigué, tu déprimes... s'aimer c'est partager les bons et les mauvais moments. Quand je t'entends si triste je n'ai qu'une envie c'est te prendre dans mes bras. Mais je pense que tu n'as plus "l'envie"... Je me trompe peut-être, je souhaite me tromper mais... je te laisse libre de la suite à donner. Libre de m'écrire ou de ne pas m'écrire, de m'appeler ou de ne pas m'appeler... je ne veux pas être un boulet à ton pied... à toi de voir ce qui est le mieux pour toi... Sache que je suis là... que je le serai toujours pour toi, mais je suis un peu perdue... je ne te comprends plus... Tu m'as attendue pendant vingt ans, tu as souhaité me retrouver et à présent que je suis là... ?


    Tu n'as plus confiance dans les femmes, tu me l'as répété vendredi. Je pense que ton message c'est que tu n'as plus confiance en moi. Tu as tort mais c'est ton droit. J'ai tellement souffert de ton absence pendant ces vingt années que la dernière chose que je souhaite est de te perdre une seconde fois. Je pensais que l'on pourrait simplement partager un peu de nos vies dans nos mails, nos conversations téléphoniques, nos quelques rendez-vous secrets... soulager nos manques... Je n'ai jamais voulu briser ta vie si c'est ce que tu penses... Mais je ne peux pas te forcer à continuer surtout si tes sentiments envers moi ont changé. Alors à toi de voir... comme tu me l'as déjà dit à plusieurs reprises, la balle est dans ton camps... tu connais mon numéro... je suis là... libre à toi...Je t'envoie une tonne de bisous, plein de tendresse aussi. J'espère que tu es sur ta moto cette après-midi et que ça te fait du bien. J'attends de tes nouvelles... Quoi qu'il en soit, pour moi rien n'a changé ni ne changera, ça se résume par deux mots : je t'aime... Nathalie."



    Pour l'instant on en est là... Tu sembles bien avoir choisi pour la deuxième fois, le mot « fin » à notre histoire. Tes rêves se sont envolés... Tu t'es fait une raison. Tu vas me dire qu'on n'a pas le choix ! Ce qui me rend triste vois tu c'est que tu as refusé mon amitié. « Amour toujours mais pas amitié ». Ce sont de belles paroles. Mais deux amis partagent leurs joies, leurs peines, leurs bonheurs, leurs tristesses, leurs secrets... ils savent qu'ils ne sont pas seuls, qu'ils peuvent compter l'un sur l'autre... et nous, nous ne partageons rien. C'est ça le plus dur, c'est que j'ai le sentiment que tu ne veux rien partager avec moi. Tu sais tout de moi et moi... pas grand chose de toi...J'en conclue donc que nous n'avons toi et moi pas la même définition du verbe « aimer » ni même de l'amitié. Je suis beaucoup moins forte de caractère que toi . Ma vie de tous les jours me pèse. Je travaille sur moi même pour parvenir à trouver une certaine stabilité, trouver la voie de la sagesse pour m'en sortir. C'est un véritable combat, je n'arrive pas à émerger de ces sables mouvants... J'espère de tout cœur qu'on se reverra. Je sais que même si ça s'appelle trahison, je répondrai toujours présente à ton appel.

    Je me dis aussi que si tu choisis vraiment d'en rester là après ces six mois de pure folie, ça donne raison à maman, nous n'étions pas fait l'un pour l'autre, ça donne raison à l'astrologue, nos sentiments n'étaient que pure illusion... Je ne peux pas croire que tu sois d'accord avec cette fin là...Avoir pendant vingt années idéaliser un amour qu'on croyait exceptionnel, hors du commun... Le revivre à quarante et cinquante ans, aussi fort, aussi magique, vouloir y croire de tout son cœur, de toutes ses forces, de toute son âme, malgré des barrières tout aussi infranchissables... Se dire pendant ces quelques mois que même si quatre cents kilomètres doivent nous séparer que plus jamais on ne vivra l'un sans l'autre, et se retrouver brutalement, du jour au lendemain... seule, abandonnée... à nouveau le trou noir. Tu as dévasté ma vie une deuxième fois, je ne sais pas si tu en es conscient. Tu n'as pas compris que je portais des chaînes vis-à-vis de mes enfants, et ton absence me dévore. Désir, trahir, maudire, désir, souffrir, envie de mourir....Malade à en crever à me demander si tout cela n'était pas juste une illusion...

    Au fond de mon cœur, j'ai encore une petite flamme qui me dit de garder espoir... qui sait ce que le destin nous réserve ? Qui aurait cru qu'on se retrouverait vingt ans après ? je préfère vivre avec l'espoir d'un lendemain... et quoi qu'il en soit, même si le désespoir nous faire sortir de nos gongs parfois et avoir des paroles blessantes n'oublie jamais : Je t'aime...

    Nathalie.
     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 3 Décembre 2019 à 00:46
    is changing the way communities nationwide integrate software, systems, data, and policy to innovate and strengthen the nation's social safety net.
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