• Un homme accidentel, Philippe Besson

    Et puis, le manque est arrivé, dans le moment où je m'y attendais le moins, il est arrivé alors que j'avais presque fini par croire à mon amnésie. C'est terrible, la morsure du manque.
    Ca frappe sans prévenir, l'attaque est sournoise tout d'abord, on ressent juste un vive douleur qui disparaît presque dans la foulée, c'est bref, fugace, ça nous plie en deux mais on se redresse aussitôt, on considère que l'attaque est passée, on n'est même pas capable de nommer cette effraction, et pourquoi on la nommerait, on n'a pas eu le temps de s'inquiéter, c'est parti si vite, on se sent déjà beaucoup mieux, on se sent même parfaitement bien, tout de même on garde un souvenir désagréable de cette fraction de seconde, on tente de chasser le souvenir, et on y réussit, la vie continue, le monde nous appelle, l'urgence commande. 
    Et puis, ça revient le jour d'après, l'attaque est plus longue ou plus violente, on ploie les genoux et on a un méchant rictus, on se dit: quelque chose est à l'oeuvre à l'intérieur, on pense à ses transports au cerveau qui annoncent les tumeurs, qui sont le signal enfin visible de cancers généralisés jusque-là insoupçonnables, on éprouve une sale frayeur, un mauvais pressentiment (...)
     

     

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